La Communication Non Violente : un levier de sécurité dynamique et de réinsertion en milieu pénitentiaire
La Coop CNV
Regards croisés sur un dispositif innovant porté par la DISP* de Lyon, en lien avec La Coop CNV
Avec :
- Karen Peillex, Adjointe à la cheffe de l’URFQ*
- Romain Aubey, CPIP* au SPIP* de l’Isère – Antenne de Bourgoin-Jallieu
- Laurent Dona, Brigadier-chef pénitentiaire
* DISP : Direction interrégionale des services pénitentiaires
*URFQ : Unité Recrutement, Formation, Qualification
*CPIP : Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation
*SPIP : Service pénitentiaire d’insertion et de probation
Une formation née de convictions de terrain
Tout commence en 2014 avec une première session de formation à la Communication Non Violente (CNV) pour 19 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) à Lyon. Parmi eux, Romain Aubey, qui perçoit très vite le potentiel de cette approche : « A l’origine je cherchais un outil pédagogique pour accompagner les auteurs de violences dans leur parcours de responsabilisation. Ce fut une révélation. J’ai vu la puissance de transformation de la CNV : c’est simple, concret et adaptable à nos contraintes de terrain. » Convaincu, il continue à se former et à interpeler le service Formation. C’est en 2021, sous l’impulsion de Marie-France Torro, alors responsable de la formation, que la dynamique est relancée à l’échelle de la Direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Lyon, qui coordonne 19 établissements et 10 SPIP en région Auvergne-Rhône-Alpes. Avec le Plan National de Lutte contre les Violences en date de novembre 2022, le déploiement de la CNV prend davantage de sens encore.
Un dispositif structuré et ouvert à tous les agents
La formation à la CNV est volontaire et multi-catégorielle, permettant à des CPIP, personnels de surveillance, cadres et agents administratifs de se rencontrer, partager leurs pratiques et construire une posture professionnelle commune.
« On apprend à mieux collaborer, au-delà des représentations et des cloisonnements encore très présents », explique Karen Peillex, en charge actuellement de cette thématique.
Le cursus comprend désormais 6 jours de formation (3 modules de 2 jours), complétés par des modules thématiques (sur la colère, les croyances limitantes…) et parfois des groupes de pratique animés localement. Romain Aubey anime notamment depuis 3 ans un atelier bimestriel d’une journée au SPIP de Bourgoin-Jallieu, et a lancé des initiatives en Savoie et Haute-Savoie. Pour lui, « pratiquer est essentiel. Il nous faut retravailler et affiner constamment notre posture ».
Un impact profond et visible : redonner du sens et apaiser les tensions
La CNV transforme aussi la manière de vivre son métier. Pour Laurent Dona, brigadier-chef depuis plus de 20 ans, la CNV a été une réponse à une quête de sens dans un environnement de plus en plus tendu : « Après 20 ans de service, je constatais une déshumanisation croissante dans nos coursives. La CNV m’a permis de renouer avec mes valeurs, d’écouter autrement et de pacifier mes relations. Cela a redonné du souffle à mon engagement.
Les témoignages convergent : la CNV agit à la fois comme bulle d’oxygène pour des agents très exposés, et comme outil concret de pacification des relations professionnelles et avec les personnes placées sous-main de justice (PPSMJ). Le lien avec la réinsertion est clair : en développant l’écoute, la conscience des besoins et la co-construction de solutions, la CNV participe pleinement à l’objectif de responsabilisation. « La CNV redonne du pouvoir d’agir aux personnes accompagnées, mais aussi aux agents. Elle nous permet de rester professionnels sans nous épuiser », souligne Romain Aubey.
Un outil au service de la sécurité dynamique et de la réinsertion
La CNV s’inscrit pleinement dans la logique de sécurité dynamique, qui privilégie la relation humaine, l’observation et le dialogue. Loin de s’opposer à la sécurité, elle en devient un vecteur : réduire les tensions, prévenir les conflits, éviter les passages à l’acte violents. Pour Laurent Dona, la CNV permet de créer du lien même dans des contextes tendus : « On fait un métier de communication et pouvoir développer nos qualités d’écoute et d’empathie est fondamental. La sécurité par l’écoute et le respect des personnes est bien plus efficace que la seule sécurité par les caméras ou la contrainte. »
En favorisant la responsabilisation des personnes suivies, la CNV contribue aussi à l’objectif central de l’administration pénitentiaire : la réinsertion. Donner aux PPSMJ la capacité d’exprimer leurs besoins et de trouver des solutions, c’est les amener à sortir du cycle de la violence et à envisager un avenir différent.
Une culture partagée et durable
Peu à peu, la CNV a su s’ancrer durablement au sein de la DISP de Lyon. Les sessions affichent complet, avec parfois des listes d’attente. Les agents formés expriment régulièrement un enthousiasme fort, soulignant à la fois l’utilité professionnelle et le bien-être personnel qu’ils en retirent.
Karen Peillex insiste sur cet aspect : « Une des richesses de ce dispositif, c’est qu’il s’inscrit dans la durée. Les mêmes intervenants reviennent, créant une cohérence, de la confiance, une communauté de pratiques et un langage partagé entre les agents. »
Pour Romain Aubey, la clé est d’aller encore plus loin : proposer des ateliers spécifiques par métier, approfondir certains thèmes, et surtout maintenir une pratique régulière.
Laurent Dona, de son côté, insiste sur la qualité de vie au travail : en aidant les surveillants à se protéger et à retrouver du sens, la CNV contribue directement à leur équilibre professionnel et personnel : « Nous avons des métiers très exposés, qui nous abiment, nous usent. Avec la CNV, j’ai une prise en charge différente des relations avec les personnes détenues et mes collègues. Cela me permet de mieux vivre le temps que je passe au travail et par là même de revenir plus apaisé chez moi ».
Un véritable partenariat tissé avec La Coop CNV
Au fil des années, une confiance mutuelle s’est installée entre les formatrices certifiées de La Coop CNV et les membres de la DISP de Lyon : chaque fin d’année un bilan est fait et les programmes de l’année suivante sont réfléchis ensemble. Confiance qui a notamment permis de mettre en place un dispositif innovant : des formations co-animées par Romain Aubey – CPIP longuement formé à la CNV – et Guillemette Porta – Formatrice certifiée – afin d’offrir aux stagiaires une formation toujours plus pointue alliant expertise CNV et expertise métier. Dans la même veine des journées de sensibilisation ont eu lieu avec Céline Meunier – Formatrice – et Laurent Dona – Brigadier-Chef pénitentiaire. Il est aussi envisagé de mettre en place, en 2026, un cursus de certification « Dialoguer avec la CNV pour mieux coopérer » et des journées de sensibilisation à destination des personnels de surveillance.
Tous en conviennent : la CNV ne résout pas à elle seule les difficultés liées à la surpopulation, au manque de moyens humains ou aux tensions carcérales. Mais elle constitue un levier puissant, permettant de redonner du sens, d’apaiser les relations, de renforcer la sécurité et de favoriser une réinsertion durable. Le dernier mot est laissé à Karen Peillex : « Tant que les agents continuent de dire « Enfin une formation qui me fait du bien, qui me redonne de l’énergie et m’aide à faire mon métier autrement », on sait qu’on est sur la bonne voie. »
Si vous êtes intéressés par mettre en place une formation dans votre SPIP, votre Centre pénitentiaire ou dans votre DISP,
vous pouvez contacter Guillemette PORTA – Tél : 06 75 64 81 35 – guillemette.porta@gmail.com